L'âne catalan : un dur à cuire qui lutte pour sa survie

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Classé dans : Presse Mots-clés : Âne, Catalan, reconnaissance, burro

L'âne catalan est un animal exceptionnel, façonné par le territoire et les hommes qui y habitent depuis des temps immémoriaux. Il a récemment frôlé l’extinction et n’est pas encore à l’abri de tout danger. La reconnaissance du « burro » par l'État français, plus de dix ans après l’Espagne, donne de l’espoir à ceux qui œuvrent pour sa préservation.

Il y a peu encore, l’âne catalan n’était pas reconnu par les institutions françaises.
Hug Domenech

27/04/2025 10:00

Ce qui frappe en premier lieu chez l’âne catalan, aussi appelé guarà, c’est sa taille : minimum 1m45 au garrot. Sur de nombreuses photos anciennes, les observateurs d’aujourd’hui pourraient le confondre avec des mules, tant sa taille est impressionnante. Delphine Danat a commencé à élever des ânes catalans il y a 12 ans. « Nous étions 10 éleveurs à l’époque, tous les autres ont abandonné devant le manque d’aide et les difficultés. C’est un animal hors du commun, très bien adapté à notre territoire. » Le guarà a un pied exceptionnel, adapté aux terrains accidentés et pentus : « son sabot est très agile au niveau du paturon, cette partie entre le sabot et le boulet. Il peut se déplacer sans souci sur de la roche, du sable, de la terre, des dévers, des contre-pentes et peut transporter des charges impressionnantes sans broncher. Il peut vraiment passer partout. Un 4×4 tout terrain. Très docile, il aime le contact humain et suit son maître partout où il va. Il est très peu dépensier, boit entre 10 et 60 litres par jour, ce qui est très peu. Un cheval consomme entre 120 et 160 litres par jour. » C’est l’espèce endémique de la Catalogne, il est parfaitement adapté à ce climat chaud, sec et avec peu de ressources céréalières. Pline l’Ancien mentionnait déjà sa présence dans l’actuelle plaine de Vic au Ier siècle de notre ère. Le foin qui est produit en Catalogne, Roussillon inclus, n’est pas assez protéique pour les nourrir convenablement.

« Guanyar-se les garrofes »

Par contre, les forêts fourragères traditionnelles de micocouliers, mûriers blancs et de caroubiers lui siéent à merveille. « Ces forêts fourragères permettent également de lutter contre la sécheresse, elles retiennent l’humidité. » De là vient l’expression catalane « guanyar-se les garrofes », gagner ses caroubes, équivalent de gagner son pain en français. Sans ce fruit, impossible de nourrir les ânes qui étaient indispensables pour presque toutes les activités préindustrielles en Catalogne. « Il a complètement façonné notre paysage : par exemple les coteaux de Collioure et Banyuls ont pu être bâtis et entretenus grâce au transport des matériaux par les ânes catalans. Pareil pour les vendanges, ils rendaient le transport du raisin des vignes aux caves très facile. Son ars, ou torse, est très fin. Il marche donc comme un mannequin avec les pieds qui se croisent devant, à l’inverse des chevaux. Cela lui permet de nettoyer les sillons espacés de seulement 1m50 dans ces vignes. Nous préparons d’ailleurs un programme pour que ces ânes y reviennent et puissent y travailler. Cela favorisera leur préservation et facilitera la vie des vignerons, tout en aidant au maintien de ces terrasses, patrimoine de l’UNESCO, qui ont actuellement du mal à être entretenues. » L’âne catalan serait le plus grand du monde et l’un des meilleurs. De nombreuses races en descendent, dont les Mammouth Jack américains et d’autres espèces qui ont participé à la conquête de l’Ouest.

Maintenir cette race

Si aujourd’hui le futur du guarà semble être garanti, cela n’a pas toujours été le cas. « Il n’était pas reconnu du tout par les autorités et les institutions françaises. » Par contre, les ânes dits du Berry ou des Pyrénées, qui sont issus de croisements de l’âne catalan, le sont depuis des décennies. « Le plus fou, c’est que le seul facteur de race de ces ânes est l’âne catalan. Les éleveurs achetaient des ânes catalans côté espagnol pour maintenir les caractéristiques de ces races inventées, et toucher des subventions énormes tandis que les éleveurs d’ânes catalans étaient laissés à l’abandon. Je me suis lassée de demander de l’aide à nos politiques, dont certains me disaient « d’aller voir mes copains du sud ». Je les ai pris au mot, on a mené des études génétiques avec l’Université Autonome de Barcelone pour faire reconnaître nos spécimens comme faisant partie de l’espèce. J’ai monté la délégation nord catalane de l’Associació de Foment de la Raça Asina Catalana. Nous sommes maintenant trois membres, même si je suis la seule éleveuse pour l’instant. » L’âne catalan est reconnu comme espèce autochtone de Catalogne par l’Espagne depuis 1962, et un programme de préservation existe depuis. En vertu du règlement zootechnique de l’Union Européenne (RZUE) pour la reconnaissance de l’âne à l’UE, une race présente sur deux territoires d’États membres est reconnue automatiquement par un autre État à la demande d’un des États membres. Un courrier a donc été envoyé le 28 juillet dernier et l’extension de race en France est enfin reconnue le 4 septembre 2024. « Mais en tant que race espagnole présente en France seulement, pas comme race autochtone. C’est mon prochain combat. L’Institut Français du Cheval et de l’Équitation freine des quatre fers pour que ça ne soit pas le cas, après avoir lutté contre sa reconnaissance tout court. D’ailleurs, malgré la reconnaissance de l’âne, je n’ai toujours pas reçu d’aide. L’INRAE n’ayant pas actualisé sa liste de races menacées, la Région ne peut me verser d’aides. Paul Molac a écrit à la ministre Annie Genevard le 25 mars dernier pour régler la situation et que les ânes du Berry et des Pyrénées soient reconnus comme descendants de l’âne catalan. Que justice soit rendue à notre âne. »

Vous l’aurez compris, Delphine est tout aussi têtue que ses bêtes. Sans son abnégation, le burro català aurait peut-être déjà disparu des radars.

Delphine Danat

source de l'article : la semaine du roussillon

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